D’une manière générale, la bibliothérapie désigne l’utilisation des livres dans le but de soigner. Ce mot, un néologisme datant du XXème siècle se compose de deux termes grecs « Βιβλιο » (livre), et « Θεραπία » (thérapie). Ce dernier terme a basculé vers un sens curatif tant dans les langues anglo-saxonnes que française. Toutefois, le sens premier du mot grec inclut une notion de service, de prendre soin, d’une servitude parfois spirituelle, par opposition à « Iatriké » qui désigne plutôt la médecine, le soin du corps. Cet article, extrait de mon mémoire de Master 2 de Coaching et développement personnel en entreprise obtenu à l’université Paris 2, a pour but de vous présenter brièvement comment la lecture peut nous faire du bien.
Sommaire de l'article :
La bibliothérapie au fil des siècles
L’histoire de la bibliothérapie remonte à l’Antiquité. Selon l’historien grec Diodore de Sicile, Ramsès II fit inscrire « Maison de la guérison de l’âme » sur le fronton de la bibliothèque de Thèbes. En 1272, l’hôpital du Caire proposait la lecture du Coran comme traitement médical. En France, au XVème siècle, Christine de Pizan relate ses expériences bibliothérapeutiques dans ses écrits, qui lui permettent de se perfectionner moralement et intellectuellement, mais aussi de surmonter son veuvage. Des pratiques de ce type restèrent anecdotiques jusqu’au milieu du XIXème siècle.
Au début du XXème siècle, Marcel Proust dans son livre Sur la lecture, développe le rapport entre la lecture et la thérapie pour ces esprits « qu’on pourrait comparer à ces malades, et qu’une sorte de paresse ou de frivolité empêche de descendre spontanément dans les régions profondes de soi-même où commence la véritable vie de l’esprit ». Proust développe l’idée que l’intervention de la lecture agit comme l’impulsion d’un autre esprit qui s’exerce dans la solitude intérieure pour retrouver la volonté d’action: c’est la dimension impulsive de la lecture. Et concernant les « régions profondes de soi-même », ce n’est pas sans rappeler le lien entre la lecture et l’état d’hypnose… !
Nous sentons très bien que notre sagesse commence où celle de l’auteur finit, et nous voudrions qu’il nous donnât des réponses, quand tout ce qu’il peut faire est de nous donner des désirs. Et ces désirs, il ne peut les éveiller en nous qu’en nous faisant contempler la beauté suprême à laquelle le dernier effort de son art lui a permis d’atteindre.
Marcel Proust, Sur la lecture
Les toutes premières expériences de bibliothérapie remonte cependant à 1916 et sont le fruit des travaux de Samuel Crothers, psychiatre, puis Saddie Perterson Delaney, libraire à dans un hôpital militaire pour vétérans en Alabama. Ils découvrirent que les patients (anciens militaires ayant participé à la Première Guerre Mondiale) qui lisaient, ou à qui on faisait la lecture, voyaient leur santé psychologique évoluer. Dans les années 1930, Lele docteur William C. Menninger, psychiatre renommé, a également aidé à établir la bibliothérapie comme forme de traitement dans sa clinique du Kansas autour d’un livre écrit par son frère.
En France, en 1946, Lucie Guillet, quant à elle, incitait les patients atteints de maladie mentale à lire des vers afin de se laisser gagner par un « fluide poétique » bénéfique.
Ces premières expériences sont fondées sur la dimension cathartique de la lecture. Se basant sur la philosophie d’Aristote et de son analyse des effets de la tragédie, elles ont aussi été le reflet des courants de pensée de l’époque dont est issue la psychanalyse.
C’est seulement en 1961 qu’apparait pour la première fois la définition de bibliothérapie dans le Webster International « The use of sélecte Reading Materials as therapeutic adjuvant in medecine and psychiatry. Also: guidante in the solution of personnel problems through directed reading » , c’est à dire: « La bibliothérapie est l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant qu’outils thérapeutiques en médecine et psychatrie; aussi, un moyen pour résoudre des problèmes personnels par l’intermédiaire d’une lecture dirigée ».
En 1976, Garner propose la définition suivante « processus d’interaction dynamique entre la personnalité du lecteur et la littérature ». Cette définition très globale ne prend en compte ni l’encadrement ni la finalité de la lecture, elle est donc comme une dynamique qui naît de la lecture et qui agit sur la personnalité.
En 1994, Marc-Alain Ouaknin publie Lire c’est guérir, ouvrage fondateur des courants francophones, où il explique comment l’acte de lire influe sur nos comportements et nos émotions. Il expose l’idée que toute lecture comporte un travail d’interprétation et c’est celui-ci qui posséderait une vertu thérapeutique. C’est la dimension herméneutique de la lecture.
Aussi, par l’interprétation qu’il fait de Temps et Récit de Paul Ricoeur, il développe l’idée que la bibliothérapie agit dans le temps vécu. Elle réveille la capacité d’éprouver la temporalité et réhabilite la capacité d’anticipation en rendant « possible une réinsertion dans une temporalité harmonique où le futur puise sa force dans le passé et donne des ailes à l’espoir ». C’est la dimension temporelle de la lecture.
À partir des années 2000, la bibliothérapie commence à être reconnue et mise en pratique, en Angleterre et au Québec, où la bibliothérapie intègre timidement les thérapies psychologiques pour les enfants notamment.
En 2009, la première thèse de médecine générale en France est publiée par le docteur Pierre-André Bonnet : La bibliothérapie en médecine générale.
Lire: pourquoi faire ?
Lire apparaît donc comme un moment à soi, pour soi. Dans nos vies ultra-connectées, ces moments de calme nous sont bénéfiques à plusieurs niveaux.
Une étude a démontré que la lecture était bénéfique en cas de stress. En effet, il suffit de 6 minutes de lecture par jour pour diminuer le stress de 68%.
En nous concentrant sur notre lecture, nous mettons peu à peu notre quotidien, nos soucis et nos tracas de côté pour laisser place à l’imagination… Une activité bénéfique quand on se sent bombardés d’informations au fil de la journée !
Mais les études sur les bénéfices de la lecture ne s’arretent pas là: la revue Science compare même la lecture à un sport en tant que tel : en lisant, on stimule son cerveau et on l’aide à structurer nos idées, de quoi améliorer notre santé mentale quand tout nous semble dans le brouillard.
Et avec la littérature de fiction (romans, bd, etc..) notre empathie s’en verrait accentuée. De quoi donc mieux être avec soi et avec les autres…et ce dès le plus jeune âge !
Lire, c’est facile !
Il est parfois tentant de se dire que la bibliothérapie est réservée aux grands lecteurs, que nous n’avons pas le temps de nous consacrer à cette activité… Si c’est votre cas, mais que vous êtes tentés par l’expérience, voici quelques conseils de la part d’une bibliothérapeute à Bordeaux: Choisissez d’abord un ouvrage qui vous plaît. Inutile de se forcer à lire Guerre et Paix d’emblée. Laissez vous guider dans les rayons, ou demandez conseil à votre libraire: une bd, un poème… et pourquoi pas un conte ?!
Pour mettre en place une lecture régulière, je recommande souvent à mes clients de prendre un rendez-vous avec eux mêmes. De se le noter dans son agenda au début, ni plus ni moins qu’un rendez-vous avec un ami. A l’heure dite, installer vous confortablement, sans télévision ou téléphone qui viendrait nous perturber.. Et les premiers temps, limitez-vous à quelques minutes pour ensuite augmenter la durée. Comme en sport, les bénéfices viendront avec la régularité.
La bibliothérapie, une alliée de notre bien-être
Lorsque nous traversons des périodes difficiles, de doute, que l’anxiété nous guette… il est parfois nécessaire de se faire accompagner.
La bibliothérapie que je pratique, en complément de mon activité d’hypnothérapeute à Bordeaux et Mérignac, est dite « intuitive », c’est à dire que je me base sur notre échange et sur des ouvrages de fiction. Je ne recommande pas de livre de développement personnel, ou de psychologie (je considère que vous êtes capables de les chercher seuls en librairie !).
L’idée dans ma pratique est de laisser la part belle à votre imagination, à votre créativité. Lire vous ouvre à des mondes possibles. Vous détesterez ou adorerez un héros, et peut-être même vous vous identifierez à lui. Qu’importe: cela agira sur vous et bougera certainement quelques lignes… qui à leurs tours vous permettrons d’avancer. N’est ce pas cela, au fond, que vous êtes venu chercher ?
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